Histoire(s) en mouvement – Retour sur la 11e édition
8 et 9 juillet 2024
Quatre thèmes en résonance avec la programmation du Festival
Retrouvez la brochure des 11ème Rencontres Recherche et Création
Retrouvez les interviews des intervenants de l’édition 2024
Ouverture
Interventions de : Tiago Rodrigues, directeur du Festival d‘Avignon ; Thierry Damerval, président-directeur général, Agence nationale de la recherche
Le passé recomposé
Les travaux dans le domaine de l’anthropologie génétique montrent que l’espèce humaine partage le même patrimoine génétique à 99,9%, quelle que soit son origine géographique.
Connaître les dimensions sociales, juridiques et politiques de l’esclavage, et les conditions qui ont permis la reconnaissance des droits civiques, contribue à mettre en lumière les mécanismes de la ségrégation et de l’accès à la justice. Cette histoire est aussi celle des résistances et des luttes qui, du XVIe siècle à nos jours, ont marqué le chemin pour l’égalité des droits.
Dans Absalon, Absalon !, spectacle adapté et mis en scène par Séverine Chavrier, d’après le roman de William Faulkner, l’histoire Les crimes du passé hantent le présent. Transformer les spectres en réalité historique permet d’attester des injustices passées et d’ouvrir de nouveaux possibles pour une humanité commune.
En présence de Laurent Papot, comédien et Baudoin Woehl, dramaturge (Absalon, Absalon ! d’après William Faulkner, au Festival d’Avignon 2024)
Avec la participation de : Magali Bessone, professeure, philosophie politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre de l’ISJPS (Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne) et membre du Conseil scientifique de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage ; Évelyne Heyer, professeure, anthropologie génétique, UMR 7206 Éco-Anthropologie, CNRS Muséum national d’Histoire naturelle, Université Paris Cité ; Mélanie Lamotte, maîtresse de conférences, histoire moderne, Université de Duke ; Olivier Zunz, professeur émérite, histoire des États-Unis, Université de Virginie
Animation : Cédric Enjalbert, rédacteur en chef adjoint, Philosophie Magazine ; Paulin Ismard, professeur, histoire grecque, Aix-Marseille Université, membre de l’Institut universitaire de France ; Tiphaine Karsenti, professeure, études théâtrales, Université Paris Nanterre, directrice de l’École universitaire de recherche EUR ArTeC, financée par France 2030 ; Emmanuel Laurentin, historien, producteur de l’émission « Le Temps du débat », France Culture ; Pierre Singaravélou, professeur, histoire contemporaine, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Table-ronde : Liberté de la recherche et liberté de la création
Avec les interventions de : Thierry Damerval, président-directeur général de l’Agence nationale de la recherche ; Robert Darnton, professeur émérite, histoire européenne, Université de Princeton ; Valérie Fromentin, responsable du département sciences humaines et sociales, Agence nationale de la recherche ; Pierre Gendronneau, directeur délégué du Festival d’Avignon ; Antoine Petit, président-directeur général du CNRS ; Romain Huret, président de l’EHESS
Animation : Emmanuel Laurentin, historien, producteur de l’émission « Le Temps du débat », France Culture
En attente de justice
Sur le rivage de Troie, une reine devenue esclave pleure son fils Polydore assassiné par le roi de Thrace et implore la justice d’Agamemnon. Au tribunal, Nadia décrit les souffrances subies par son enfant. Nadia répète le rôle d’Hécube. Les mots de douleur de celle qui a tout perdu se superposent avec ceux de Nadia, devant le tribunal qui juge l’institution qui a maltraité son enfant autiste. La colère d’Hécube et ses larmes sont aussi celles de Nadia. Dans la mise en scène de Hécube, pas Hécube, d’après Euripide, Tiago Rodrigues explore la représentation théâtrale comme forme d’argumentation pour demande de justice.
Si la colère peut apparaître comme un sentiment universel, sa signification varie selon les contextes : entre raison, déraison, colère divine ou vengeance mêlée de désespoir comme celle d’Hécube.
Les représentations de la nuit de noces dans la France du XIXe siècle font penser à Polyxène, fille d’Hécube sacrifiée sur le tombeau d’Achille : dans les fictions romantiques comme dans les imaginaires, les jeunes filles seraient condamnées à un destin tragique.
L’analyse sociologique des conditions de la domesticité dans la société contemporaine met en évidence les rapports de domination et les tentatives de la déjouer.
L’histoire des actions humanitaires au Proche-Orient entre 1918 et 1939, et des processus de réconciliation dans les Balkans ou dans la région des Grands Lacs en Afrique, montre comment les mémoires et les récits s’affrontent.
Les sacrifices et les morts tragiques du théâtre antique interrogent le cycle de la violence, tout autant que la réparation et la justice.
En présence de Tiago Rodrigues, metteur en scène, directeur du Festival d’Avignon (Hécube, Pas Hécube, d’après Euripide, au Festival d’Avignon 2024)
Avec la participation de : Alizée Delpierre, chargée de recherche au CNRS, sociologue, membre du Laboratoire Printemps (Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/CNRS) ; Aïcha Limbada, historienne, membre de l’École française de Rome ; Renaud Gagné, professeur, littérature et religion de la Grèce ancienne, Université de Cambridge ; Davide Rodogno, professeur, histoire et politique internationales, directeur des programmes interdisciplinaires à l’Institut universitaire de hautes études internationales et du développement, Genève ; Barbara Rosenwein, professeure émérite, histoire, Université de Chicago ; Valérie Rosoux, professeure, directrice de recherche FNRS (Fonds national de la recherche scientifique), science politique et philosophie, Université de Louvain
Animation : Patrick Boucheron, historien, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Histoire des pouvoirs en Europe occidentale XIII-XVIe siècles ; Sébastien Chauvin, sociologue, professeur associé, Université de Lausanne ; Cédric Enjalbert, rédacteur en chef adjoint, Philosophie Magazine ; Pierre-Cyrille Hautcœur, directeur d’études à l’EHESS, économiste et historien, professeur à l’École d’économie de Paris ; Tiphaine Karsenti, professeure, études théâtrales, Université Paris Nanterre, directrice de l’École universitaire de recherche EUR ArTeC, financé par France 2030 ; Georges Vigarello, historien, directeur d’études EHESS
Prendre corps
Courses effrénées, énergie pure de l’élan ! Dans la chorégraphie Liberté cathédrale de Boris Charmatz, les corps se rassemblent à l’unisson ou explosent en une pluie de solos incandescents.
L’histoire culturelle montre que l’émotion est aussi une présentation de soi qui prend corps, une mise en scène sous le regard de l’autre : les émotions contribuent à façonner la perception du corps et la conception du sujet. Dans les récits d’expériences mystiques féminies au Moyen Age ou dans les traités d’apprentissage de la danse de cour, le corps dansant est aussi porté par la faculté imaginative, par l’image.
Dans la danse, les mouvements corporels sont caractérisés par une précision spatiale et temporelle. Les travaux de recherche en neurosciences cognitives font apparaitre à la fois une mobilisation des aires motrices du cerveau et des récepteurs sensoriels. Ces travaux rejoignent l’expérience individuelle de la danse en montrant que la virtuosité est aussi sensorielle.
Le langage offre un terrain d’étude pour analyser la synchronisation interindividuelle nécessaire dans toute danse collective et approcher le rapport entre l’acte de danser et de regarder. En effet, on observe une activation comparable chez le sujet qui exécute une action et celui qui la regarde.
Lors d’une interaction sociale, deux individus communiquent par la parole, par les gestes et leur activité cérébrale se synchronise ! L’imagerie cérébrale montre que parler et écouter activent les mêmes zones du cerveau.
Mais comment le langage humain a-t-il émergé dans l’histoire de l’évolution ? Les humains et les primates non humains partagent la capacité de désigner leurs congénères, les objets par des gestes. L’étude du système de communication des primates peut contribuer à repérer les précurseurs de certaines propriétés de la parole. Et si la parole avait une origine gestuelle !
L’histoire des émotions, la linguistique, la primatologie, les neurosciences cognitives ouvrent autant de nouvelles perspectives pour analyser le corps dansant.
En présence de Boris Charmatz, chorégraphe, directeur du Tanztheater Wuppertal (Liberté Cathédrale au Festival d’Avignon 2024)
Avec la participation de : Florence d’Artois, maître de conférences, études hispaniques, Sorbonne Université, membre junior de l’Institut universitaire de France ; Philippe Blache, directeur de recherche, CNRS, linguistique, ancien directeur du Labex Brain and Language Research Institute (BLRI) et du Convergence Institute of Language Communication and the Brain (ILCB) ; Damien Boquet, professeur, histoire du Moyen Âge, Aix-Marseille Université et membre de l’UMR TELEMMe 7303 AMU-CNRS ; Béatrice de Gelder, professeure, neurosciences cognitives, Université de Maastricht ; Patrick Haggard, professeur, neurosciences cognitives, Institute of Cognitive Neuroscience, University College London
Animation : Mireille Besson, directrice de recherche CNRS, psychologie cognitive et neuroscience, Aix-Marseille Université ; Nicolas Donin, professeur, Université de Genève, musicologue ; Sylvaine Guyot, professeure, Université de New York ; Pierre-Cyrille Hautcœur, directeur d’études à l’EHESS, économiste et historien, professeur à l’École d’économie de Paris ; Tiphaine Karsenti, professeure, études théâtrales, Université Paris Nanterre, directrice de l’École universitaire de recherche EUR ArTeC, financé par France 2030 ; Georges Vigarello, historien, directeur d’études EHESS
Il aurait pu en être autrement
Que s’est-il passé cette nuit-là ! Dans la pièce Lieux communs de Baptiste Amann, le théâtre se fait enquête. L’histoire réfractée entre représentation, vérité et fiction !
Représenter, c’est rendre présent. Par la représentation politique, des représentants – par exemple, des élus – agissent au nom et à la place des représentés. Au théâtre, la justice, la politique, l’amour, la religion sont transposés, figurés, représentés de nouveau.
Mais le public du théâtre n’est pas celui des électeurs, des jurés d’un tribunal, ni celui des lecteurs de journaux. Si les scènes de la vie publique suscitent souvent l’opposition, l’exclusion, l’extériorisation des conflits, le théâtre invite à penser la pluralité des points de vue.
Chansons de rue, discussions dans les salons littéraires, lectures publiques dans les jardins, affiches, gazettes manuscrites… Le Paris prérévolutionnaire du 18eme siècle était aussi une société de l’information, dans laquelle les évènements publics prennent une dimension théâtrale.
Deux siècles plus tard, les réseaux sociaux sont tantôt salués comme porteur de la voix des silencieux ou condamnés pour porter celle de la haine.
Interroger la représentation dans l’espace politique ou judiciaire, les médias, les réseaux sociaux, les fictions ou sur les scènes des théâtres, c’est interroger les conditions d’expression des identités, des conflits, de la recherche de l’intérêt commun ou l’invention d’autres mondes.
En présence de Baptiste Amann, auteur et metteur en scène (Lieux Communs au Festival d’Avignon 2024)
Avec la participation de : Anne Bellon, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Technologique de Compiègne, membre de l’Institut universitaire de France ; Simon Bréan, maître de conférences, littératures françaises des XXe et XXIe siècles, Sorbonne Université, Centre d’étude de la langue et des littératures françaises (UMR CELLF XVI-XXI) ; Robert Darnton, professeur émérite, histoire européenne, Université de Princeton ; Daniel Gaxie, professeur émérite, science politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Florence Naugrette, professeure, littérature française, Sorbonne Université, membre de l’Institut universitaire de France
Animation : Sylvaine Guyot, professeure, Université de New York ; Valérie Hannin, directrice de la rédaction, L’Histoire ; Frédéric Sawicki, professeur, science politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Pierre Singaravélou, professeur, histoire contemporaine, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Wes Williams, ancien directeur de TORCH (The Oxford Research Centre in the Humanities) et professeur à la faculté Medieval and Modern Languages de l’Université d’Oxford
Avec l’intervention de : Catherine Courtet, responsable scientifique, département Sciences humaines et sociales, Agence nationale de la recherche